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Renaud Capuçon, violoniste
Le grand choc de ma vie a été ma rencontre avec Carlo Maria Giulini.
J'avais seize ans et je jouais dans les seconds violons de l'Orchestre de la
Communauté européenne. On devait répéter la Neuvième Symphonie
de Beethoven. Quand Giulini est arrivé, il y a eu un silence total dans les
rangs. Son grand corps, sa démarche d'aristocrate nous ont figés net, et
puis il nous a regardé avec une très grande douceur. Je me suis senti
comme un enfant qu'on prend dans ses bras. Quand il a commencé à nous
diriger, j'ai eu la chair de poule. Je crois que j'ai compris pour la
première fois de ma vie ce qu'était la musique, et j'ai eu l'impression
d'avoir reçu un trésor. J'ai rencontré un ange et j'ai quitté terre,
voilà. Je crois que toute ma vie, j'essaierai de transmettre en musique ce
que j'ai reçu de lui ce jour-là. Je dis cela aujourd'hui, mais j'en ai
pris conscience progressivement. Chaque fois qu'il est venu diriger
l'Orchestre de Paris, je suis allé l'entendre, mais je n'ai jamais osé
aller le voir à la sortie du concert. Quatre ans après la Neuvième de
Beethoven, je lui ai écrit une lettre, juste pour lui dire qu'il avait
été la personne la plus importante de ma vie. J'avais besoin de me
libérer de ce poids, comme lorsqu'on avoue à quelqu'un son amour et qu'on
se sent soulagé. (Le Monde la musique, Mai 2003)
Myung-Whun Chung, chef d'orchestre
assistant de Giulini à Los Angeles
Dès la première répétition avec Giulini, ce fut une révélation. C’était
la première fois que je voyais un chef travailler d’une manière simple,
directe. Ma conclusion fut qu’il y avait dans son travail deux règles
: l’amour et le respect total à la fois pour les compositeurs et les
musiciens qu’il dirigeait. Tout était là. Pas de psychologie, pas de
politique… rien de tout cela : il ne laissait entrer rien d’autre.
Une répétition se limitait au dialogue le plus pur entre un chef et ses
musiciens. Cette première année – au cours de laquelle j’ai même joué
en soliste sous sa direction lors d’une tournée – j’ai assisté à
ses répétitions sans oser lui poser de questions. En réalité, ce n’était
pas vraiment nécessaire : j’ai tant appris seulement en écoutant et
en regardant. (entretien avec Jean-Yves Bras)
Paavo Jervi, chef d'orchestre
Je voudrais un jour atteindre sa perfection. La plupart de ses
enregistrements, notamment la Troisième Symphonie de Schumann font
partie de mon patrimoine musical.
Sir Simon Rattle, chef d'orchestre,
assistant de Giulini à Los Angeles
Carlo Maria Giulini est mon héros. Pour ce gentleman,
la musique est un acte d'amour. Si, en 1979, j'ai accepté le poste de
second chef au Philharmonique de Los Angeles, ce fut uniquement parce que je
savais que Giulini y était le premier. Je suis fier d'avoir travaillé avec
un homme de bien qui s'est refusé à toute compromission, aussi bien dans
la vie de tous les jours que dans la conception de la musique. Il demeure,
pour moi un exemple hors du commun.
(cité par Robert Parienté, La
Symphonie des chefs, Éditions de la Martinière, 2004, p.241)
Robert Tear, ténor anglais
Giulini dirigeait sous l'empire de Dieu.
Yannick Nézet-Séguin, chef
d'orchestre français
- Que vous a apporté l'enseignement de Giulini ?
- Tout ! Plus j'avance, plus les moments privilégiés en sa compagnie durant
un an me reviennent. Je me souviens de sa façon d'agir avec les musiciens.
Vous parliez de pragmatisme. Ce qui m'a toujours frappé avec ses disques ou
vidéos, c'est l'aspect spirituel, la pente métaphysique. En commençant à
étudier avec lui, j'imaginais que j'allais apprendre comment parvenir à
cette spiritualité. En répétant, je me suis rendu compte que s'il y
avait un grand don de soi, Giulini parlait essentiellement de technique.
Mais il ressentait la musique avec une telle force, et surtout manifestait
un tel respect de l'œuvre et des musiciens que cela produisait une alchimie
particulière. Je ne crois pas au chef démiurge.
Entretien avec Jean-Charles
Hoffelé in Diapason n° 574 novembre 2009
Hélène Grimaud, pianiste
- Imaginons qu'une bonne fée vous offre de donner un concert avec n'importe
quel partenaire mort ou vivant : qui appellerez-vous ?
- J'ai peut-être
trop de chance pour vous répondre, j'ai déjà pu jouer avec un bon nombre des
musiciens que j'admire. Ceci étant, reste un vieux rêve ; un concerto avec
Giulini.
Entretien avec Gaëtan Naulleau, in Diapason, n° 585, novembre
2010
Placido
Domingo, chanteur
Il serait difficile de trouver
un autre musicien avec ce mélange de douceur et d'intensité qui caractérise
Giulini. Sa façon de jouer de la musique est extrêmement raffinée. Dans le Dies
Irae de Verdi, il semblait personnifier Dieu le Père le Jour du Jugement. Non
qu'il en fit trop ou qu'il fit des gestes pompeux : il devenait simplement la
musique, à un degré saisissant. Il était choquant de voir quelqu'un de si bon et
de si doux faire la démonstration d'une telle puissance.
Placido Domingo, Mes quarante
premières années, Flammarion 1992.